[Cinéma] Contes du Hasard et Autres Fantaisies de Ryusuke Hamaguchi




Trois contes parfois étranges qui explorent l'intimité de personnages qui "par hasard" sont amenés à la confier à un tiers, lui même pris au dépourvu. Le premier conte n'est pas fou, propose une énième variante du mécanisme de triangle amoureux, mais il le fait de façon maline, nous laissant dans le noir un bon moment jusqu'au moment de la révélation pas si retentissante que ça mais qui a le mérite de donner envie de retourner en arrière pour étudier certaines attitudes et déceler les indices que nous avions sous le nez. 




Le second est plutôt amusant. L'histoire d'un stratagème qui vise à piéger un enseignant en le poussant à succomber aux charmes de l'une de ses étudiantes. Les attitudes de cette dernière, tellement peu subtiles, sont assez drôles. Ses tentatives pour mettre l'enseignant mal à l'aise et susciter chez lui le désir étant vraiment déplacées, le spectateur lui-même peut potentiellement se sentir un peu pris au piège. Bien sur tout ne se déroule pas comme prévu, mais je n'en dirai pas plus. 




Le troisième conte est à mon goût le plus touchant des trois. Intitulé "Encore une fois" il part du principe qu'une catastrophe informatique a poussé l'humanité à se passer de ses outils numériques. Plus de smartphones, plus d'ordinateurs, plus de mails, plus de Facebook. Et des humains dès lors confrontés à des problèmes de mémoire, incapables de se souvenir d'anniversaires ou de remettre les bons noms sur les bons visages (et par ailleurs obligés de commander les films sur dvd par correspondance car le streaming n'existe plus). C'est dans ce monde là que deux femmes se croisent dans un escalator et se reconnaissent. Voilà des années, depuis le lycée à vrai dire, qu'elles ne s'étaient plus revues. L'une invite l'autre chez elle et s'en suit un dialogue très touchant sur le passé et les regrets. Jusqu'au twist amusant qui ouvre sur une sorte d'altruisme poétique, mais là encore je ne veux pas en dire trop. Ce film mérite d'être vu sans spoil.




La mise en scène est minimaliste et c'est avant tout le texte qui prime, c'est un film très littéraire dans l'âme qui articule trois contes n'impliquant jamais plus de trois ou quatre personnages qui échangent longuement, en particulier dans le second qui questionne le désir, la honte, la confiance en soi et tant d'autres thèmes et cela avec une finesse insoupçonnée. 

En sortant je me sentais tout léger et étrangement satisfait de me dire qu'il n'y avait aucune analyse particulière à en tirer. Il y a juste à le voir, en se sentant parfois perplexe en cours de route, mais récompensé à l'arrivée. Crescendo certain, du premier au troisième conte qui serait celui dont on tirerait le plus beau court-métrage il me semble.

Plusieurs personnages évoquent leur expérience d'un "moment hors du temps". Sans vraiment y croire, pris au dépourvu face au film, j'ai eu le sentiment que c'est bien ce que je venais de vivre une fois sorti du cinéma. Et c'est une agréable sensation. Un joli film qu'il est sans doute préférable de voir en salle où l'immersion dans ce rythme lent s'avèrera moins difficile sans distraction alentour. Et donc un de ces films qui réclament un effort d'attention et savent le récompenser. Une belle parenthèse. 



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