Aujourd'hui petite découverte et coup de pub pour le travail de mashupeur de Philippe Bompard, un gars que j'ai croisé par hasard sur Twitter un jour et dont la bio disait, "(m)auteur/(c)réalisateur (mashupeur) du collectif "les cris". Si t'as pas vu "Coluche, un père et manque" bah tu l'as pas vu."
Et je plaide coupable, je n'avais pas vu Coluche, un père et manque et pire j'ai mis un certain temps à me décider à le voir alors qu'il était régulièrement à portée de clic. L'autre jour donc, à l'issue d'un dialogue au sujet du cinéma et des difficultés de la distribution des films de court-métrage en particulier, je me suis dit qu'il était temps d'être cohérent et de soutenir sa création. J'ai lancé son film. Une bonne surprise !
Au son, les premiers mots qui nous introduisent dans ce film en expliquent parfaitement l'enjeu, avec Jamel Debbouze qui défend le mécanisme de la dédramatisation, de la prise de recul et du rire face aux situations les plus tristes ou les plus douloureuses. A l'image, c'est son personnage de Lucien dans Amélie Poulain qui articule, s'adressant à Raymond Dufayel, l'artiste reclus qui espionne le monde de loin en se focalisant sur ses tragédies.
Premier mélange de sources pour ce mashup qui sur toute sa longueur va faire jouer un dialogue similaire entre fiction mythologique, gag social et documentaire dramatique. Comme tant d'autres spectateurs visibles à l'écran, qui tantôt rient tantôt frissonnent en découvrant cette histoire, Raymond Dufayel va faire l'expérience quasi psychédélique d'une déconnexion entre un sujet et les différentes manières de le raconter, car tout cela se déroulera sous ses yeux, dans l'écran de télévision bien connu qui retransmet habituellement les images de sa caméra-espion. Écran qu'Amélie pirate d'ailleurs elle-même dans le film en essayant de changer la perception du monde du vieil homme. Cohérent !
Dramatiser vs dédramatiser, bâtir un héros déchu en larmoyant ou plutôt en riant de sa propre désinvolture face au malheur. Faire de lui l'espoir d'une résistance ou plutôt l'associer à l'image du "cassos déjanté" et perdu d'avance. Coluche, un père et manque va constamment déplacer le curseur entre ces deux pôles en profitant de la possibilité de décalage inhérente au format du mashup.
Par bien des aspects ce film est très fun. Un peu comme pour une YTP/YouTube Poop sa façon de se permettre les mélanges les plus surprenants amuse. Mais petit à petit la dédramatisation s'estompe, et les images deviennent plus lourdes et grandiloquentes. Lorsque le générique de fin apparaît, on oublie presque qu'on avait commencé par se marrer.
Après coup on se dit que Coluche, un père et manque est donc un objet intriguant et bien foutu, que le public et le jury du Mashup Film Festival de 2019 ont d'ailleurs décidé de primer en saluant son originalité. A vous de jeter un oeil et de voir ce que permettent le montage et le mashup au-delà de la seule rigolade. On pense sans doute souvent à tort que l'exercice ne peut que favoriser le rire, mais sur ce coup là Philippe Bompard a su démontrer qu'on peut s'en servir pour développer une vraie poétique de la mise en abîme et donc dépasser le simple stade de la plaisanterie.
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