[DécouverteS] Le D.U Documentaire d'Amiens au 37è Festival International du Film (2/2)


SUITE DU RETOUR SUR LES FILMS DU D.U PRESENTÉS AU FIFAM.
LA PREMIERE PARTIE EN SUIVANT CE LIEN.



Visages retrouvés (25 min)
de Vanessa Chauvin-Degenne

[Pour l'instant pas de capture disponible]


Vanessa Chauvin-Degenne est elle aussi une étudiante du DU Documentaire ayant déjà une expérience certaine du milieu du cinéma et de la création artistique puisqu'elle elle diplômée en arts du spectacle, en lettres modernes mais aussi en gestion de structures socio-culturelles. Elle a également de l'expérience en tant que chargée de production ainsi qu'en gestion de contrats avec le Centre National de la Cinématographie et elle a déjà réalisé plusieurs films de courte durée. Un CV impressionnant pour une étudiante du DU ! Son film "Visages retrouvés" s'intéresse à un sujet sensible et complexe, peut-être trop complexe pour pouvoir trouver la forme la plus lisible pour en parler : il s'agit des "gueules cassées" et des mutilations du visage qui sont une mutilation ou une perturbation profonde de l'identité entière.


Si ce terme vous est inconnu sachez que les "gueules cassées" c'est ainsi qu'on appelait les victimes de guerres touchées par de graves et impressionnantes mutilations au visage. Avec le temps, on a aussi utilisé cette expression pour désigner à peu près n'importe qui ayant un visage jugé comme peu ou pas harmonieux. Pour le dire tel quel, on assimile les gueules cassées à des gens "moches" un  peu comme si c'était leur état de naissance ou bien comme s'ils l'avaient voulu et comme s'ils étaient des pestiférés. J'ai envie d'être honnête tout en restant objectif : nous ne sommes pas "habitués" à voir des corps ou des visages déformés, parfois très brutalement, et je serais un menteur si j'inventais que je ne ressens rien de particulier quand il m'arrive, extrêmement rarement, de croiser une personne victime d'une mutilation. Il y a déjà la rencontre avec une personne différente, nous qui sommes faits à l'idée d'un corps "complet" qui nous transporte au quotidien. Mais de plus nous sommes tous conditionnées par une culture commerciale de la beauté et des apparences, du maquillage et de la "swag" attitude et nous admirons des contrefaçons présentées comme un bien-être : les visages Maybeline et les peaux Nivea, les jambes bien épilées et les pectoraux moulés dans des tshirt trop courts. On s'attarde sur le Camel Toe, on invente les sourcils ondulés, on se met des bijoux sur les dents, en gros, on fait à peu près tout pour déguiser l'humain en quelque chose d'autre, en mannequin, nous admirons et apprécions cela. Par ricochet, nous nous éloignons de celles et ceux qui volontairement ou pas ne peuvent eux-mêmes adopterces nouveaux codes de l'esthétique du corps : les mutilés, les handicapés et tous ceux aussi qui militent pour un retour au naturel sans se plier aux diktats de ce domaine, pour qu'on puisse de nouveau se voir tels que nous sommes. C'est un véritable sujet de société qu'on questionne parfois dans les médias grand public généralistes mais qu'on ne traite donc pas avec un véritable sérieux et jamais en allant juqu'à parler des mutilations. On va donner des conseils pour masquer son acné ou se blanchir les dents et basta. En gros on évoque tout ce qu'on peut "changer".


Partir de la situation des "gueules cassées" est donc déjà un choc très violent qu'il faut parvenir à dépasser car dès le début du film, Vanessa nous donne à voir des photographies d'archives de victimes de la grande guerre et cela percute, c'est brut de décoffrage. D'un côté, réagir "mal" aux images de victimes, c'est bien naturel puisqu'un conditionnement nous pousse à aduler une perfection toute illusoire, d'un autre, dépasser le choc et ne pas "plaindre" les gueules cassées et autres victimes d'une mauvaise image, ce serait refuser de se mettre à leur place, refuser de reconnaître qu'une bouche éclatée par une explosion, un oeil qui n'est plus à sa place ou un corps dépossédé de ses deux jambes sont des choses horribles pour ceux dont l'âme doit faire avec un véhicule que la vie n'a pas respecté. C'est un sujet d'humanité hyper bouillant qui questionne notre perception et notre condition, notre propre fragilité aussi. Il rappelle également qu'avant d'être des soldats qu'on a envoyé sur un front déshumanisant, ils étaient comme vous et moi de jeunes hommes qui voulaient vivre leur vie, ils avaient leur visage, leur corps, leur existence propre et liée à leur naissance, leurs parents, toutes les influences génétiques qui construisent notre identité "visuelle". Ils pouvaient donc comme tout le monde tenter de s'assumer sans perturbation. Mais la guerre passée par là avec son grand talent, tout bousiller, a d'abord et surtout bousillé l'être humain. Dans sa tête et sur son corps. Elle a méprisé la vie et l'a envoyée au cimetière, qu'on voit dès le premier plan, ce qui passerait pour plus enviable que de devoir continuer à vivre avec une marque de l'horreur moderne indélébile et en plein milieu du visage.


La première partie du film m'a donc particulièrement intéressé car dans ma famille on a beaucoup parlé de ce phénomène là des gueules cassées et des vétérans handicapés qui deviennent des pestiférés du fait de la guerre à qui nous vouons une haine sans borne. Dans le film nous pouvons donc voir ces photographies et images des gueules cassées et sentir venir un sujet profondément délicat et tout à fait humain. Car même si la première guerre mondiale est loin, il existe toujours des gens qu'on appelle gueules cassées, qui sont mutilés soit par les guerres modernes, soit par des accidents violents, ou bien encore par des maladies qui détruisent le corps. On voit ces temps-ci une campagne de mobilisation et de don afin de combattre le Noma, une maladie dévoreuse de chair et même d'os, présentée par Samuel Le Bihan dans un spot télévisé. Dans la version disponible sur Youtube, le visage d'un enfant victime de cette maladie est visible intégralement et Samuel Le Bihan explique "Ce visage n'est pas né des mains d'un maquilleur." Dans la version pour la télévision, son visage est flouté "pour ne pas heurter la sensibilité des plus jeunes". Cela illustre bien la question épineuse qui entoure l'image du corps et du visage. Et finalement quelle sensibilité va-t-on construire si l'on cache aux enfants des visages "monstrueux" qui appartiennent bien à des humains, leur laissant croire que les visages "monstrueux" n'appartiennent qu'aux "monstres" ? C'est un peu construire une sensibilité qui finalement en déduit qu'un humain avec un visage monstrueux est moins un humain que tous les autres qui rêvent d'être Adèle Exarchopoulos ou Georges Clooney.

 Comment accepter ces visages ? Et comment ceux qui vivent avec peuvent-ils s'accepter eux-mêmes, alors qu'il est si difficile pour nous de les regarder vraiment ? Peuvent-ils, osent-ils continuer à fréquenter le monde ou sont-ils condamnés à vivre reclus ? Lors de l'échange qui a suivi la projection et durant lequel  il était impossible de ne pas sentir l'intérêt personnel très sensible de Vanessa sur ce questionnement, elle me l'a dit elle-même : le visage c'est l'identité. Comme la voix, les empreintes digitales, tout ce qui nous rend singuliers. C'est donc l'identité entière qui souffre lorsqu'un événement fait souffrir le visage et le corps.

 Mais d'un coup tout bascule sur la base d'un lien qui n'est pas injustifié mais surprenant, et nous allons tenter de l'expliquer bientôt. Le film quitte le début du siècle dernier pour se consacrer à aujourd'hui et même à demain puisque Vanessa va à la rencontre de la science, avec des interviews tournées elle-même mais aussi des images pré-existantes d'entretiens avec des spécialistes de la reconstruction faciale pour demander de quels moyens nous disposons aujourd'hui pour minimiser l'impact d'une mutilation voir la faire disparaître entièrement. Beaucoup de méthodes sont alors passées en revue, de la pure chirurgie à ce qui occupe la communauté scientifique aujourd'hui : la future régénération cellulaire. En gros, les médecins espèrent pouvoir cesser de "reconstruire" ou de greffer des organes ou des membres d'un corps vers l'autre mais trouver comment maîtriser le pouvoir de régénération des cellules pour totalement recréer ces corps et ces organes à partir de leurs propres cellules. Question passionnante aussi puisqu'elle préfigure du monde dans lequel nous vivrons demain et fait prendre conscience de progrès incroyables de la science. L'un des spécialiste se dit extrêmement optimiste et souligne que des milliers de chercheurs sont déjà penchés sur cette question. Il n'y a alors plus d'images frontales des mutilations, plus de récit sur la vie avec ce handicap profond et plus de questionnements sur la condition "fragile" de l'être humain puisque finalement, on se dit qu'il n'y aura plus de gueules cassées dans l'avenir de la médecine et que pour ceux qui vivent avec ce mal dans l'attente des solutions effectives, c'est un peu "dommage et tant pis". Ils sont évacués du film très rapidement.


Mais revenons sur ce saut dans le temps et la réorientation du sujet qui passe d'une situation humaine très particulière à quelque chose de plus scientifique et informel car j'en ai parlé à Vanessa directement lors de l'échange, il me semble que quelque chose derrière son film témoigne d'un intérêt plus profond et d'une frustration palpable de n'avoir pas pu mettre en images le véritable sujet qui l'animait, à savoir cette vie rendue difficile voir impossible lorsqu'on doit faire avec un visage et une identité mutilés. Et la réponse de Vanessa fut bien logique, tout est lié au sujet lui-même, il explique pourquoi le film ne pouvait pas être autrement ou en tous cas pourquoi jusqu'ici il n'a pas pu prendre de forme "détournée" ou artistique qui puisse montrer la réalité de la mutilation ou nous offrir le récit d'une de ses victimes. Puisqu'ils vivent très difficilement dans une société au sein de laquelle l'image est primordiale et le jugement permanent, ils et elles refusent d'être vus dans le réel aussi bien que sur un écran. Ils n'acceptent pas de se laisser filmer ou de raconter leur histoire, dans tous les cas, pour parvenir à un tel miracle de partage il faudrait bien plus qu'un an et un projet de film d'étudiant pour pouvoir pénétrer dans leur univers et le rendre perceptible à des spectateurs insouciants. 


C'est pour cela que j'ai dit à Vanessa que j'avais l'impression qu'elle n'avait pas parlé de ce qui la touchait véritablement, à savoir le sort auquel sont condamnées les personnes qui sont dans une situation de handicap aussi ostensible et violent. Elle nous a expliqué qu'il lui arrivait souvent de croiser une personne au visage mutilé mais qu'il serait bien difficile de lui adresser la parole "comme çà" en mode "Bonjour je fais un documentaire sur les gens mutilés du visage vous me racontez ?". C'est logique, puisque toute la problématique d'une vie dans ces conditions c'est justement l'image de soi au milieu des autres. Si vous et moi nous hésitons à parler de nous face à une caméra de peur qu'on nous juge trop sévèrement ou qu'on se moque de nous, imaginez un peu pour des gens dont le jugement et la moquerie sont sans doute un quotidien qu'ils évitent en préférant s'isoler. Peut-être qu'un jour une personne à la gueule cassée accepterait de se confier pleinement et d'être vue frontalement sur un écran, mais pour cela c'est certain, il faudrait un projet de longue haleine ou rudement bien ficelé avec des gages de sérieux et sans doute des conditions précises de diffusion ou de partage du résultat, bref, c'est juste impossible dans le contexte du DU. Dans l'échange j'ai dit à Vanessa que peut-être il existe une façon dont j'ignore la nature de mettre cette histoire et cet intérêt là, plus profond, à l'image mais d'une façon détournée. Peut-être via un autre support ajouté au film, le dessin ? La photo ou l'animation ? Pour compléter un témoignage sonore et seulement sonore ? Je ne sais pas du tout. Et tout ça me pousse à dire que j'imagine à quel point ce projet a du être compliqué et difficile car articuler le film tel qu'il est aujourd'hui tout en ayant un intérêt bien plus vif et personnel à délivrer à l'intérieur de soi, c'est sans doute une déception pour elle, encore que là je préjuge avec ma seule déduction, je n'en sais rien. Mais pour moi ce film est un épisode "pilote" qui devrait déboucher sur un véritable "épisode 1". Après une approche plutôt à distance et qui dévie sur la question scientifique, l'aspect humain profond reste à explorer avec toutes les difficultés particulières que cela comporte. Un énorme défi quoi, qui non seulement poserait beaucoup de problèmes dans sa faisabilité mais serait aussi une énorme prise de risque à l'issue éventuellement dramatique si le propos construit n'éliminait pas toute possibilité de mépris de la part du public qui ferait face à cet éventuel film lié au sentiment de la documentariste et à son sujet, à ses témoins.


Voilà, gros morceau de texte pour ce film car c'est sans nul doute celui qui m'a le plus intrigué "en tant que" film, qui m'a poussé à me demander s'il s'agissait vraiment de près ou de loin du film qu'imaginait Vanessa et quelque chose à mon sens est resté en sommeil derrière l'écran. Je trouve ça dur car le docu de création et la liberté de ton qu'il permet à ceux qui le pratiquent (toutes proportions gardées et conditionnées par les producteurs et autres intervenants) n'a pas pu rendre service au sujet qu'elle a amené et qui j'en suis assez convaincu n'aurait pas pu être traité avec l'humanité qui lui est dû en si peu de temps de formation et en si peu de temps de film. Je salue le fait qu'elle soit allée jusqu'au bout de cet essai qui me semble vraiment souligner l'existence non pas d'un "acte manqué" car le film est là et se regarde quand même sans effort, mais d'un acte qui manque, ou le chapitre le plus humain : la parole ou le témoignage, même rapporté, d'une ou de plusieurs personnes qui vivent véritablement cette situation qu'on ne peut pas imaginer puisque nous ne sommes pas à leur place. Ou bien encore la parole de Vanessa elle-même qui j'en suis tellement convaincu pourrait partager sa sensibilité pour aiguiser la nôtre. Quelque part, le malaise qui peut entourer le format et le dispositif de ce film est cohérent et compréhensible car il correspond au malaise et au questionnement que soulève le sujet même. Encore une fois je le redis, du respect pour toutes les démarches présentées ici.

A NOTER : Vanessa a modifié son montage récemment pour raccourcir son film.
Ce retour est donc lié à la version longue présentée au FIFAM.


 Au nom du père (25 min)
de Daniel De Almeida

 [Pour l'instant pas de capture disponible]

Daniel porte un nom, comme tout le monde. Il s'appelle "De Almeida". Mais il y a un mystère derrière ce nom, car dans sa famille, seul son père le portait, et Daniel ignore d'où ce nom peut bien sortir car ses grands-parents ne le portaient pas. Il semble qu'il n'y ait aucune filiation connue avant son père permettant de comprendre ce que "De Almeida" fait sur ses propres papiers. Pour tenter de comprendre ce qui se cache derrière cette situation, il rencontre une spécialiste de l'histoire et des noms de familles portugaises. Mais celle-ci ne voit pas pourquoi ce nom apparaît là. Chou blanc. Il décide donc de mener son enquête et part pour le Portugal sur les traces de son géniteur afin de rencontrer ses anciens voisins et amis. Il les questionne, "avez-vous connu mon père ?". Beaucoup lui répondent que oui, car le village où il a vécu est un petit endroit, les gens se connaissent bien. Tous plus souriants les uns que les autres ils voudraient bien pouvoir l'aider à comprendre, mais ils n'en savent pas plus. Ils peuvent seulement lui décrire un homme qui était un bon vivant et qui semble-t-il était très espiègle. Certains d'entre eux ignorent par ailleurs que celui-ci est décédé depuis cinq ans des suites d'une maladie et Daniel l'apprend à l'un de ses anciens amis alors qu'ils marchent tous deux sous l'oeil de la caméra, un moment furtif qui n'est pas au coeur du film mais qui néanmoins rappelle le sérieux de ce dont on parle, d'une vie et d'une identité.

Car le documentaire de Daniel est vraiment amusant. Pour le spectateur c'est un mystère qui s'ouvre au début du film et qui provoque tout un périple d'enquêteur, il y a un suspense, quelque chose qui nous pousse à vouloir une réponse. Mais lors de chaque réaction de spécialistes ou de témoins qui pourraient peut-être l'aider, et bien non, ceux-ci lui disent ne pas comprendre et lui souhaitent bien du courage, car c'est incompréhensible. La façon dont il structure son film met en avant ces échecs et l'incongruité de sa demande, tout le monde semble "paumé" face à ce mystère qui tient sur un bout de papier. Filmé au fur et à mesure de sa recherche et dans le vif de ses rencontres, "Au nom du père" permet de constater que Daniel voudrait bien savoir, mais se montre très positif et plein d'entrain, comme si ce mystère sans réponse était tout de même le prétexte pour un voyage dans le passé qui révélera bien plus que l'origine d'un nom. Finalement, il interroge sa propre mère qui explique dans un français teinté d'un fort accent portugais que son mari menait des activités elles aussi mystérieuses pour elle qui le laissait disparaître le soir sans donner d'explications. Selon elle, il distribuait un journal très politique et clandestin. Et cela serait lié à leur installation en France car un jour, la mère de Daniel a vu deux policiers venus pour le trouver sans dire pour quelle raison. Elle a senti que ses activités secrètes pouvaient le mettre en danger et l'a incité à quitter le Portugal. 

D'un coup le récit se pose, le rythme change totalement, le sujet se transforme. C'est un témoignage extrêmement touchant qui arrive comme une réponse décalée au mystère. En réalité, ce nom n'est pas si important, ce qui s'explique c'est le départ d'un pays vers un autre et le sentiment violent de dépaysement ressenti par sa mère en arrivant. Deux années à manger de la soupe afin de pouvoir payer leur logement, et la difficulté de s'insérer dans une nouvelle société aux valeurs et aux paysages qui diffèrent trop à son goût. Elle en parle avec le sourire, s'amuse de certaines choses, mais finit par dévoiler une émotion vraiment profonde lorsqu'elle commence à évoquer ce que leurs propres parents ont ressenti au moment de ce départ. Des larmes commencent à couler et de façon vraiment très classe, Daniel change son cadre, en évacue sa mère pour mettre un terme à ce film. 

Un film vraiment intéressant du fait de ce schéma "du rire aux larmes", partant d'un sujet intriguant mais traité avec légèreté pour finir sur des révélations bien plus profondes qui ont marqué l'histoire des deux parents de Daniel. Et j'ai trouvé que de ce fait il n'y avait pas de voyeurisme malsain, pas de situation inconfortable pour le spectateur et une vraie attention à l'égard de ceux qu'ils filment. Les larmes posent toujours une question particulière dans le documentaire, faut-il les filmer ou non, et si oui, comment le faire sans être dans le sensationnalisme ? Celui-ci reviendrait à sauter sur la tristesse d'un témoin en faisant un gros zoom bien baveux sur des yeux humides et une bouche recouverte de salive en n'interrompant surtout pas ce moment qui témoigne d'une faiblesse qui rendra le spectateur supérieur. Et bien ce dernier plan qui clôture un film sacrément bien construit démontre que Daniel De Almeida n'a jamais voulu "exploiter" l'histoire de sa famille mais partager avec nous une complexité, un récit sur une famille portugaise parmi tant d'autres dont nous ignorons parfois la culture, le mode de vie de leur pays natal et surtout le courage et la volonté d'aller de l'avant qui leur a permis de consolider une vie en France et d'être reconnus comme méritants malgré leur statut d'immigrés. Car on peine peut-être à l'imaginer aujourd'hui que nous sommes médiatiquement et politiquement accaparés par les populations du Maghreb ou d'Afrique et les difficultés qui entourent leur intégration mais toutes les populations immigrées de l'Histoire de France ont eu à affronter de grandes difficultés et une grande méfiance de la part des français d'origines et de leurs institutions. 

Un film complet du coup, qui nous invite au réel voyage pour un réel accès à la compréhension. Un humour humaniste, une gravité qui l'est toute autant. Il fait partie de mes claques de cette journée et beaucoup de gens que j'ai croisé ensuite m'ont dit la même chose : "Génial le film de Daniel!". C'est vrai, vraiment excellent. Il s'est saisi de son histoire familiale et personnelle pour en faire une chose hyper accessible et d'abord amusante, ensuite bouleversante, le tout sur un fil, à deux doigts de nous montrer une chose trop intime...qu'il préfère sortir de son cadre. On pourrait donc dire que c'est un film "vraiment très classe". 

La tête à ciel ouvert
de Carole Dessinger

 Carole est photographe et semble déjà travailler autour du cinéma notamment au sein du Festival des 3 Continents, ce qui ne l'a pas empêchée de suivre cette formation au documentaire de création. Son profil facebook en témoigne, Carole semble très attirée par l'univers de la nature et en particulier de la forêt, et c'est justement le sujet de son film.

Malheureusement je ne retrouve que très peu d'informations sur le film par le biais d'internet et dans le noir de la projection je n'ai eu ni le temps ni les yeux suffisants pour noter le nom de l'homme qu'elle filme et qui paraît mener une vie militante par ailleurs très poétique. Il déambule entre les arbres en cherchant à redonner vie à ceux qui ne sont plus que des écorces ou des rameaux tombés au sol par le biais de "l'empilage". Du moins j'explique ce qu'on voit à l'image, je suppose que sa vie ne se résume pas à cela ! Une pratique qu'on connait déjà un petit peu car des randonneurs et des artistes aiment transformer l'espace en empilant par exemple des roches et cailloux qui se maintiennent alors en équilibre. Le résultat est bien souvent troublant car on se dit naïvement qu'un coup de vent devrait tout envoyer au sol en une minute, ce qui n'arrive pas. Cet équilibre incroyable qui nous saute aux yeux évoque à mon sens une puissance invisible peut-être liée à la force de la nature elle-même, son essence profonde et imperceptible. Mais là je m'avance un peu, et c'est mon ignorance de cette pratique qui parle. En tous cas, il semble un peu plus aisé d'appliquer ce principe aux morceaux de bois qui par endroit comportent des formes presque "emboîtables". 

Au son, c'est la voix de cet homme qui tente de propulser sa passion qui est un attachement à la nature et sa beauté fragile en direction du spectateur. Il explique de façon très affirmative que ces espaces méritent un grand respect et plus d'humilité de la part des Hommes. A l'image, il déambule dans les bois repérant à l'oeil les "spots" éventuels pour son installation ainsi que les morceaux de bois qui deviendront ses sculptures. En tous cas c'est ce que je crois avoir compris. 

Car le film me semble prendre la forme d'un manifeste. Il est très court et quasi expérimental selon moi. Il n'y pas de récit tout à fait linéaire ou de questionnement à proprement parler, c'est plutôt un moment qu'on partage avec dans le commentaire de l'homme lui-même une explication de sa démarche. Le seul souci en vérité, c'est que je ne l'ai pas bien comprise et que le moment fut si court que je n'ai pas eu le temps de m'y sentir "inclus". Je m'en veux particulièrement car j'ai dû décrocher à ce moment de la projection et ne pas être assez concentré ou attentif pour parfaitement me connecter au film et véritablement le comprendre... Et ça m'embête vraiment car je voudrais bien en parler d'une façon plus complète et vraiment respectueuse de la démarche de Carole. En m'appuyant sur certaines de ses photos j'ai le sentiment que le thème du rapport entre la ville et la nature l'intéresse et que sa sensibilité à elle passe bien mieux dans ses photographies que dans ce film qui la laisse hors du projet pour ne se concentrer que sur cet homme dont vraiment, je m'en veux, je n'ai pas retenu ce qu'il faisait d'autre peut-être à un niveau associatif ou plus politique. 

Je m'en veux tellement de ne pas pouvoir dire mieux que ça ! Et c'est totalement ma faute, je n'avais qu'à faire un effort supplémentaire et ne pas décrocher durant ce moment dont le message était peut-être bien plus fort et important que ce que j'en ai saisi au vol. On m'a dit qu'une version précédente du film comprenait une séquence de noir à l'image accompagné du son du vent dans les feuilles et de la forêt qui grouille de vie mais que ce moment a sans doute été incompris ou jugé inutile par Carole elle-même. Étrangement lorsqu'on m'a expliqué ça je me suis dit "dommage" car l'impression que j'ai eu, à savoir celle d'être face à un essai plutôt expérimental, aurait sans doute été encore plus forte avec une séquence de ce type nous plaçant encore plus efficacement nous-mêmes dans cette forêt à imaginer alors. Peut-être aurions-nous fermé nos yeux pour être transportés de ce lieu de cinéma en plein coeur de la ville jusqu'à ces bois qui ramènent à un réel plus réel que celui de nos nids de béton, celui de la nature qu'on perd l'habitude de fréquenter. 

J'espère avoir une occasion de revoir ce film afin de corriger mon manque d'attention, car je ne peux attribuer à ce film aucune perfectibilité ou aucun "défaut" supposé, ni l'encenser comme je le voudrais, je suis coupable votre honneur. Et je n'aime pas manquer d'attention envers un film, à moins que vraiment, mais vraiment vraiment, il soit horriblement nul, sans démarche et intérêt véritable. Et là ce n'est pas le cas, je sais au moins parfaitement qu'il y a une sensibilité qui se cache derrière, c'est plutôt la forme que je n'ai pas réussi à saisir. Je me dis pour me consoler et faire amende honorable que Carole est photographe et doit probablement être armée d'un oeil et d'une sensibilité très uniques, des visions qui lui appartiennent et qui peuvent être effectivement expérimentales, en tous cas singulières. Alors disons que c'est une bonne raison pour vous de voir ce film : mieux le comprendre que moi et venir me hurler que j'ai vraiment été bête sur ce coup. Mes excuses à Carole Dessinger, j'ai été un mauvais spectateur, ça c'est une certitude...

Mise à jour : Lors d'une discussion avec une camarade de Carole j'ai pu apprendre 
qu'il était en réalité paysagiste et passionné de photographie. 
Il me fait tout de même revoir ce film au plus tôt afin de mieux vous le présenter.



La Fracture (17 min)
de Livia Desmarquest



Livia a étudié à l'UFR des Arts et intégré le DU Documentaire afin de maîtriser un nouvel outil d'expression qui permet de restituer une certaine complexité humaine, et vous comprendrez vite que c'était nécessaire pour elle. A vrai dire, le premier thème qui surgit est celui de l'art-thérapie, pratique que Livia découvre au début du film. Lors d'un atelier son "accompagnant" (on ne peut pas dire "enseignant" concernant l'art-thérapie, si ?) lui donne un texte à trous qu'il faut remplir. Exemple : "J'ai 25 ans" ce à quoi Livia ajoute en suivant la consigne sa propre suite : "mais je suis encore une enfant". Les phrases s'enchaînent et Livia le lit à haute voix comme pour se comprendre elle-même, avoir un dialogue intérieur qui marque en même temps une distance, c'est le propre de l'écriture. Mais il s'agit pour elle avant tout d'extérioriser une douleur qui l'habite et qui touche à un contexte familial qui lui fait du mal et qu'elle a besoin de comprendre. C'est une séparation. 

Depuis des années son frère ne veut plus adresser la parole à leur père. Pas directement concernée par ce conflit qui semble "gelé" entre ces deux hommes, elle a néanmoins une place particulièrement inconfortable, elle est la soeur de l'un et la fille de l'autre, et malgré sa propre présence, il n'existe plus de lien entre eux. Cela provoque une peine et un besoin de compréhension intenses en elle. L'art-thérapie qu'elle explore d'abord par le biais des arts plastiques et du dessin doit lui permettre d'avancer. La genèse de son film c'est l'idée de prolonger la démarche en utilisant la caméra et l'enregistrement. Avec un courage et une liberté proprement hallucinants, son père accepte d'être filmé par elle et de laisser entendre par un public la nature de leurs échanges. 

Mais le film que nous avons eu la droit de voir sous nos yeux, doit avoir une utilité interne à la famille et propre à Livia également. Elle lui pose tout un tas de question qui peuvent paraître un peu naïves et peut-être même déplacées étant donnée qu'elle interroge l'un des protagonistes de cette douloureuse situation. Mais c'est une manière pour elle de se faire exister elle-même dans cette histoire et de faire reconnaître sa présence, le fait que cela la touche et participe à fonder un manque lié à l'idée même de "famille". Elle lui demande donc à un moment s'il réalise qu'elle est profondément touchée par la situation et lui demande s'il s'en rend compte. Il lui répond qu'il s'en doute, mais que le plus dur pour lui c'est d'imaginer ce que son fils ressent. Livia lui propose de prendre un temps de réflexion puis d'écrire une lettre à son fils qu'il pourrait lui lire et qu'elle immortaliserait dans un film, qu'elle aurait peut-être pu amener à son frère pour qu'il entende et qu'il puisse voir son père dans un temps "différé". Mais rien ne lui semble utile à dire car les tensions qui nous traversent tous dans de telles fractures nous poussent à interpréter les mots et les idées d'une façon qui nourrit notre colère, il est très difficile pour nous de mettre nos égos de côté, c'est une chose humaine qui nous concerne tous.

Pourquoi vous ne vous parlez plus ? Il l'explique, "c'est ton frère qui ne veut plus me parler et je l'ai accepté c'est comme ça". Livia tente de pousser le questionnement peut-être pour trouver la phrase qui débloquera la parole de son père, mais celui-ci avec une grande honnêteté lui confie qu'il a tellement pleuré de cet éloignement qu'il n'en a plus la force aujourd'hui, c'est maintenant devenu une réalité et à son sens, elle n'évoluera jamais. Lors d'un de leur dialogues, il retourne la situation et propose de poser une question à Livia afin qu'elle livre son propre sentiment quant à l'avenir.
"Je te pose une situation, puis je te pose une question et tu devras me donner ta réponse la plus directe et rapide. Si j'étais à l'article de la mort, à cause d'une maladie et que je devais mourir dans quinze jours, est-ce que tu crois qu'il voudrait me voir ?".

Arrêtons-nous un instant pour réaliser à quel point nous assistons à une chose intime et fondamentale dans l'histoire d'une famille. Chose profondément humaine, on est tout de même sur la question de ce qui nous lie entre humains, et dans une famille, c'est tout à fait particulier car un principe de "sang" impose que dans l'idéal la famille soit complète et soudée. Et déjà se pose tout de même la question du voyeurisme malgré un sujet qui peut être paradoxalement universel. Mais comment parler de voyeurisme, puisque c'est sa propre famille et qu'elle accepte parfaitement sa démarche ? Son frère Max n'est pas présent dans le film mais ne l'a pas empêchée de le réaliser. Juste évoqués à l'image, un ami de son frère, une tante et sa mère ont tenté eux aussi de répondre à ses questions, le projet fut donc accepté par la plupart des personnes concernées, c'est important de le souligner. Alors nous autres spectateurs, serions-nous les véritables voyeurs ? Hmm. Ce n'est pas impossible. 

Néanmoins, la chose qui nous introduit dans ce récit, c'est la fonction réparatrice de l'art-thérapie.
Le film lui-même est l'un de ses outils. On pourrait considérer alors qu'en réalité, nous sommes ici pour constater l'utilité d'une telle pratique accessible à tous. Hmm. Ce n'est pas impossible. Mais quel est cet objet en réalité bon sang ?! La question ouverte par le film s'estompe au fur et à mesure que nous comprenons que ces témoins là sont d'une honnêteté naturelle, ils parlent ouvertement et considèrent peut-être eux aussi, comme on peut le dire quand on ne vit pas dans l'illusion de la famille idéale, que "toutes les familles connaissent des difficultés". Moi-même d'ailleurs, je n'ai pu empêcher de verser quelques larmes lors de ce visionnage sur grand écran (je l'avais déjà vu de façon confidentielle car Livia me l'avait partagé) réalisant tout à coup que ce film me parlait énormément. Je suis en rupture avec mes frères et cela fait déjà une dizaine d'année pour deux d'entre eux. Trêve de confidences me concernant, cet article ne sera d'aucune aide pour arranger les choses ! Mais je souligne que toute personne étant déjà sensible à la réalité complexe des vies de famille sera sans nul doute connectée à ce récit pour mieux en prendre la puissance dans la face.

Le film se déroule, les questions fusent et le blocage reste entier. Livia doit donc conclure et malgré tout le fait sur une note positive : son film ne lui a peut-être pas permis de faire avancer les choses mais elle est au moins parvenue à mieux les comprendre et à commencer à les accepter.  Elle confie que finalement son film n'a pas servi à lier des gens qui ne le souhaitaient plus ou qui ne pouvaient rien faire pour entre eux, mais qu'il lui avait permis d'écouter la parole de son père une fois entrée en salle de montage. "J'ai découvert qu'il avait peur des mots, peur de parler à mon frère et qu'il ne veuille pas le comprendre". Au final le plus grand problème, c'est l'incompréhension. Car à la source de ce refus de dialoguer de la part de son frère, il y a une rupture, un départ survenu alors qu'il avait onze ans. C'est celui de son père, qui à ses yeux ne s'est pas bien comporté avec leur mère et n'a pas assumé ses responsabilités de père en décidant de partir. 

Encore une fois, c'est impressionnant d'écrire sur un film et de l'expliquer en ne faisant rien d'autre finalement que de raconter l'histoire intime et complexe d'une famille marquée par son explosion. Le sentiment d'être voyeur n'est pas tout à fait effacé. Et c'est bien cela la force du film. Car il se tient entre l'équilibre de ce qui est privé et de ce qui est universel, l'incompréhension possible et marquante qui peut naître entre deux membres d'une même famille, les poussant à se rejeter au loin tout en impactant ceux qui sont là eux aussi et qui héritent d'une nouvelle douleur, qui est également une incompréhension, en l'occurrence, celle de Livia. C'est sans conteste la palme, ou plutôt la licorne d'or (FIFAM oblige) de cette projection, à mon seul point de vue bien sur, car la puissance de ce film vient d'abord du fait du courage qui a donné lieu à sa naissance, du fait également de la tentative de Livia déterminée à changer les choses du réel par le biais d'un film, détermination qu'elle entend nourrir encore dans le futur par le biais d'autres projets car le fait que le documentaire puisse changer la vie, elle y croit ferme. Elle me l'a dit aujourd'hui même. 

Ce qui est super aussi dans un certain sens, c'est qu'on pourrait dire sur un tel sujet et avec un esprit un poil tordu que "franchement c'est facile de faire du larmoyant et de récolter des lauriers". Mais non, pas du tout. Parce que le sensationnalisme dont on a parlé vis à vis du film de Daniel qui parvient à l'éviter avec classe, il ne peut pas être identifié ici, à moins de considérer que les "sensations" en questions ne doivent être ressenties que par la famille de Livia elle-même et dans un but précis qui n'est pas un mépris. Interrogation tout de même sur la future vie de ce film et ses éventuelles diffusions, car s'il s'agissait de montrer en quoi une étudiante du DU avait su trouver une utilité indiscutable au documentaire de création et s'il était en même temps un outil thérapeutique lui permettant d'avancer, il n'en devient tout de même pas complètement un film "tous publics" du fait de sa nature intimiste. Il est fort paradoxal et complexe, et la complexité est sans doute la chose que le documentaire tente de sublimer. C'est chose faite ici. Et on ne saurait quoi dire, quoi critiquer et identifier comme perfectible dans son documentaire, car la démarche d'ensemble, c'est le documentaire lui-même qu'elle sublime avec l'idée qu'il a un pouvoir sur le réel, celui de le rendre lisible, même s'il ne débloque pas la parole. Il est un outil de compréhension, pour nous autres spectateurs invités à connaître la famille de Livia mais aussi pour la famille elle-même qui doit vivre depuis des années avec ce réel qu'on aurait cru insondable jusqu'à la naissance de ce film. 

Sur un plan technique, histoire de tout de même revenir à du "critiquable" et ne pas être taxé de sentimentalisme et bien aucune critique, la forme est parfaite, le découpage lui aussi. Un début, la volonté de comprendre par l'art-thérapie, un développement parfois douloureux mais d'une sincérité éclatante dans l'échange père-fille, une conclusion enfin qui oriente le constat pour décrire l'expérience comme une chose positive qui enrichit la compréhension de Livia et sans doute lui fait chaud au coeur. Car concernant le hors-film, la première projection de son documentaire fut tout de même un pas de géant consenti par son frère qui est venu assister à l'événement. La deuxième, hier au festival d'Amiens, fut un autre pas, peut-être moins contraignant mais symbolique, puisque son père et sa mère sont venus depuis le sud jusqu'à Amiens pour assister à la projection. J'ai pu poser à Livia une question n'appelant en réalité qu'une seule réponse : alors, tu es fière de ton film ? Elle l'est et c'est très heureux. Je n'aurais pas compris qu'elle soit déçue par l'objet final né d'un effort de construction, d'engagement intime ayant permis dans le même temps une prise de recul qui semble libératrice. Si l'on considère que le sujet du film était l'art-thérapie et rien d'autre, le film a su démontrer que oui, l'art-thérapie c'est utile. Et du même coup il a prouvé que le documentaire est utile, qu'il peut être une forme de thérapie dans un cadre intimiste. J'ai le sentiment que Livia tentera prochainement de montrer que le documentaire peut-être une thérapie pour la famille humaine dans son ensemble à travers ses prochains projets. Et que dire si ce n'est chapeau bas, que dire à part que ce film aura été utile à bien des égards et pour bien des individus venus le regarder et se le prendre en plein coeur ? 

Concernant l'accueil qu'a reçu le film, il est unanime, on est un paquet de gens à avoir pleuré. Et cela me prouve qu'il n'y pas de voyeurisme outrancier car je l'ai dit plus haut dans une certaine mesure, le sensationnalisme voyeuriste rapetisse les gens qui souffrent en exploitant leur douleur pour qu'un spectateur en manque de faire-valoir puisse se sentir plus fort ou plus grand que ceux qu'il regarde sur l'écran. C'est l'effet que j'identifie pour ma part dans ce courant de cinéma et de journalisme misérabiliste et déplacé. Ici au contraire, la douleur est respectée, les individus sont grandis. Et nous, nous sommes honnêtement touchés, on ne peut pas tomber sur le dos du film ou de Livia en lui reprochant d'avoir montré des choses "qui ne nous regardent pas". Car nous avons tous une famille et pour la majorité d'entre nous j'en suis convaincu, elle n'est pas synonyme de bonheur sans accrocs. Tant de gens autour de moi ont été blessés par une incompréhension au sein de leur famille, et comme je l'ai dit au détour d'une confidence, c'est mon cas aussi. Ceux qui imaginent que la famille ça fonctionne d'office et pour toujours car ils ont la "chance" d'en peupler une qui va à merveille, j'aurais presque envie de les inciter à voir ce film pour qu'ils puissent réaliser que ce concept de lien du sang ou d'engagement civil ou religieux (dans le mariage) n'empêcheront jamais comme par magie de s'installer une de ces incompréhensions et qui peuvent faire exploser un noyau qu'on croyait dur. 

Un film magnifique quoi. Je ne pense pas que vous aurez la possibilité de le voir car je l'imagine mal faisant le tour des festivals ou des salles de cinéma. Mais cela dépend de Livia et de sa famille à qui appartient aussi le film. Si vous entendez dire un jour que "La Fracture de Livia Desmarquest passe à tel endroit" profitez-en et sautez sur l'occasion de le voir. Car s'il n'est pas voyeuriste il est "confidentiel" et sa diffusion publique est une autre forme de casse-tête qui demandera sans doute à Livia d'y réfléchir à deux fois lorsqu'elle aura l'opportunité de faire connaître son travail.On peut donc dire que nous avons été chanceux de le voir et que son souvenir restera sans doute gravé dans nos têtes histoire de soigner nos coeurs lors de nos prochaines incompréhensions à nous. Impatient de voir Livia démontrer son talent sur des projets qui nous concernent tous de façon plus évidente car si elle parvient à nous faire réfléchir quant à l'incompréhension qui règne parfois dans le reste du monde et cette famille humaine dont je parlais, ses films risquent de faire des étincelles, et de belles.



CONCLUSION


Quelle journée mes amis, quel bonheur de voir tant d'humanité qui transpire sur l'écran.
Et quel bonheur aussi de percevoir dans ces films un message sur la faisabilité et l'accessibilité du documentaire. Par son biais on peut entrer là où on n'aurait jamais pensé entrer avant et le contrat moral qui lie le filmeur au(x) filmé-e-s sert à construire sans maladresse un récit qui propulse l'expérience singulière d'une ou de plusieurs vies dans un cadre qui nous interroge et nous lie tous. Qu'il s'agisse du récit d'une personne qui a d'autres origines, d'autres convictions, d'autres expériences de vie, qu'il s'agisse d'un sujet "commun" ou d'une exploration houleuse. C'est le propre du cinéma, y compris 'en pratique du spectateur", qui s'assied au milieu des autres pour que tous les yeux et toutes les têtes, tous les coeurs soient tournés vers un de ces outils de compréhension. 

C'est aussi pour cela que ces jeunes auteurs méritent un grand respect car on ne choisit pas de faire du documentaire sans intention humaniste, qu'on juge l'essai réussi ou non, il s'agit d'un engagement profond et parfois douloureux. C'est pour cela qu'on dit généralement aux cinéastes "qu'ils accouchent" de quelque chose. Le film retranscrit leur regard et leur digestion du réel, c'est particulièrement vrai et vivant dans le documentaire. Et vu l'apport qu'il peut représenter pour un public aussi divers que les sujets qu'il aborde, il serait vraiment dommage de s'en priver. 

Félicitations aux étudiants de ce DU, tous autant qu'ils sont, ainsi qu'à ceux qui l'ont imaginé et qui le font vivre, Caroline Zéau, Pierre Boutiller ainsi que tous les professionnels qui interviennent en cours d'année pour orienter les projets et les "reconfigurer" pour qu'ils puissent un jour avoir une vie dans les salles ou sur les écrans. Tout ça mérite, je me répète, un grand respect et j'espère inciter les curieux qui se sont goinfré cet interminable article à renouveler leur intérêt pour ce cinéma. Moi chaque fois que j'ai l'opportunité de voir les films qui sortent de ce DU, je renouvelle le mien. 

Comme je connais ou que j'ai pu faire la connaissance de certain(e)s des auteur(e)s je me permet de leur envoyer un bisou. J'espère que vous me le pardonnerez. J'crois que vous pardonnerez cela plus aisément que la longueur du texte que je vous ai fait subir. Mais hey, c'est pour une très bonne cause.


RENDEZ-VOUS L'AN PROCHAIN 
(si je peux...)



*Et encore toutes mes excuses à Carole Dessinger dont je n'ai pas su saisir le film au vol afin de le restituer
 avec plus de subtilité et de passion... 
Vraiment ! Si tu me lis et qu'il t'es possible de me faire parvenir un lien de visionnage je reviendrai vite corriger cette bêtise. 
Je vais sans doute te contacter à cette fin !

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